Hier, depuis les rochers qui surplombent la grève, j’ai observé un homme peindre sur des galets.

Il était tôt, je buvais mon premier café. Le vieux était assis sur un tabouret de granit qui émergeait de la plage. Il avait déjà amassé à sa droite ce que, malgré la distance, je reconnaissais comme un monticule de cailloux gris. Il s’est mis à pleuvoir et je suis rentré.

Plus tard dans la matinée, la pluie n’avait pas cessé, mais j’ai dû longer la côte pour me rendre à la poissonnerie. Le vieux était toujours là. La montagne de droite s’était érodée au profit d’une orogénèse sénestre. La marée montait. Le peintre se penchait à droite, s’immobilisait, se penchait à gauche. Je ne pouvais pas distinguer ce qu’il faisait pendant sa phase d’immobilité, mais je savais qu’il peignait.

Il y avait du monde chez le poissonnier et le ciel a eu le temps de se dégager. L’église a sonné dix heures. Le vieux jetait ses cailloux à l’eau, le plus loin qu’il pouvait, à s’en démettre l’épaule.

Les enfants sont allés jouer sur la plage après déjeuner. Le tabouret était sous l’eau.

Le soir, à la lumière des chandeliers, nous avons découvert des nématodes dans la barbue. Ça a dégoûté tout le monde et nous avons dîné de pain, de fromages et d’oranges.

J’ai mal dormi. J’étais de retour sur les rochers aux aurores. Le vieux n’était pas là. La marée a modifié le visage de la plage ; le tabouret a disparu.

J’ai erré sur la grève.

De retour à la maison, j’ai emprunté la peinture des enfants et ai inscrit sur quatre cailloux :

du pus vert coule sur le granite

des bijoux d’améthyste incrustés dans les reins

les algues ondoient sous la maladie

les puces de sable ne savent rien

J’hésite encore à aller les balancer à l’eau.


27 avril 2025

à partir de l’atelier d’écriture de Laura Vasquez du samedi 19 avril, avec Arthur Rimbaud.